Quand on est seul, on cherche des moyens de faire passer le temps. Et quand on a déjà tout fait, on recommence du début, encore et encore. Après avoir mangé à en devenir malade, qu'on a bu à en exploser, qu'on a couru à en perdre haleine, on réalise qu'il n'y a rien qui puisse guérir la solitude. Je ne perds pas espoir, peut être qu'un jour mon troupeau reviendra ici. Malgré le fait que j'aurais plus de chance de trouver un bon dresseur ailleurs, je refuse de quitter ces terres où j'ai grandit. Une fois de plus, je galope dans n'importe quelle direction. Je vais galoper jusqu'à ce que mes jambes ne puissent plus me porter. Le vent gifle mon visage et fait onduler les flammes sur mon cou.

Après plusieurs heures de course, je commence à ressentir de la fatigue. De légers picotements dans mes antérieurs confirment que je dois m'arrêter pour reprendre mon souffle. Du coin de l'oeil, j'aperçois à ma gauche un petite grotte isolée. Je ralentis et repasse au pas, prenant soin de passer à travers la végétation sans provoquer d'incendie. Quelques papillusions se retournent sur mon chemin, mais je ne leur prête pas plus d'attention que cela. Les insectes ne me passionnent pas tellement. Lorsque j'arrive dans la grotte, je me crois d'abord seule. C'est donc avec une profonde surprise et méfiance que je réagis lorsqu'une petite voix parvient à mes oreilles. Je me retourne et baisse la tête vers un petit salamèche. Il n'a pas l'air bien méchant. Je penche légèrement la tête sur le côté, signe de curiosité, et lui répond d'un ton neutre et détaché.

« Je suis Galopa. Est-ce-que tu vis ici, Salamèche ? »

Je regarde autour de nous avec plus d'attention cette fois. La lumière donne des couleurs agréables aux roches humides. C'est un bel endroit.

« Je ne suis pas fan des grottes, mais celle-ci est jolie. »

En entrant dans cette grotte pour éviter d'être trempée, je ne m'attendais pas à me retrouver en compagnie d'un petit pokémon feu comme lui. A la limite peut être un ou deux nosferapti mais rien d'autre. Bien que surprise, je n'ai rien contre un peu de compagnie du moment qu'elle reste bénéfique. Je l'écoute parler du temps humide et menaçant auquel nous sommes en train d'échapper, sans l'interrompre, plus parce que je n'ai rien à dire que parce que j'y trouve un interet. Son invitation à visiter est sympathique bien que peut être inutile. Néanmoins, en tant qu'invitée civilisée, je me contente de faire bonne figure et d'assister à ses explications. Je découvre en effet un aménagement minutieux de l'espace qui rend cet endroit sombre et humide presque...agréable.

« Tu as réellement fait tout ça tout seul ? Ça a du te prendre du temps. »

Non pas que je doute de ses capacités, il est surement plus doué que moi en décoration puisqu'il a des mains, ce qui n'est pas mon cas. Oh bien entendu j'aurais pu faire de même avec mes dents et mes sabots, mais l'idée ne me serait jamais venue à l'esprit. Pour une si petite créature, il a pas mal de neurones, je dois le reconnaître.

« Je te remercie pour ton hospitalité. C'est une qualité assez rare ces derniers temps, surtout chez les pokémons sauvages. Tu n'as jamais eu de maître ? »

Je peine à croire qu'il est né avec cette nature douce et bienveillante. Pourquoi les autres pokémons que j'ai rencontré n'étaient pas ainsi ? Qu'a-t-il de plus que les autres ?

Je l'écoute me raconter ce qu'a été sa vie, les obstacles qu'il a du affronter, la solitude qu'il a du supporter. Au fond, nous sommes très similaires même si nous n'avons pas fait le même choix de vie. Si Salamèche s'est terré dans un trou en espérant qu'on l'oublie, j'ai pour ma part voyagé aussi loin que possible, dans les îles, côtoyant des pokémons tous plus extraordinaires que les autres.

« Je comprends. » Dis-je sans en rajouter.

Sa question en revanche me déstabilise profondément. En effet, c'est très indiscret, mais dans un sens on ne peut pas dire que la mienne l'était moins. Je n'aime pas partager mes souvenirs avec d'autres, mais c'est le moins que je puisse faire pour quelqu'un qui m'accueille aussi généreusement dans sa grotte le temps que l'orage se tasse. Je souffle lentement par les naseaux et me permet de m'allonger sur le sol. Les souvenirs douloureux inondent mon esprit. Je m'en souviens encore comme si c'était hier.

« Je suis née au sein d'un grand troupeau, le plus grand de Kanto. En grandissant, j'ai souhaité prendre mon indépendance et découvrir le monde. Je suis partie pendant plusieurs années, j'ai appris auprès de pokémons sages et puissants, j'ai évolué. Le temps est passé si bien et si vite, que lorsque je suis revenue, il n'y avait plus personne. »

Je souffle à nouveau et mes flammes baissent en intensité. Il est inutile de me battre contre ma propre mémoire. Chasser ces souvenirs n'est qu'une solution temporaire, je n'oublierai jamais réellement ma souffrance.

« J'ai cherché partout une preuve de l'existence d'un troupeau, mais je n'ai rien trouvé. Ma famille s'est comme évaporée. Je suis seule. »